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AZIZ ZAÂMOUNE


La page Aziz Zaâmoune sur Lieux-dits

 

CARLOS RUIZ ZAFON

 

CARLOS RUIZ ZAFON
Les lumières de septembre

Paris, 1936

Ceux qui se souviennent de la nuit où est mort Armand Sauvelle jurent qu'un éclair pourpre a traversé la voûte du ciel, traçant une traînée de cendres embrasées qui s'est perdue à l'horizon ; un éclair que sa fille Irène n'a pas pu voir, mais qui par la suite a hanté ses rêves des années durant.
C'était par un petit matin d'hiver, et les vitres de la salle numéro quatorze de l'hôpital Saint-Georges étaient voilées d'une fine pellicule de givre qui dessinait des aquarelles fantomatiques de la ville dans les ténèbres dorées de l'aube.


CARLOS RUIZ ZAFON
Le palais de minuit

Calcutta, mai 1916

Peu après minuit, une grosse barque émergea de la brume nocturne qui montait de la surface du Hooghly comme la puanteur d'une malédiction. À l'avant, sous la faible clarté projetée par une chandelle agonisante fixée au mât, on devinait la forme d'un homme enveloppé dans une cape en train de ramer laborieusement vers la rive lointaine. Au-delà, à l'ouest, dans le quartier du Maidan, les contours de Fort William se dressaient sous une couche de nuages de cendre à la lumière d'un suaire infini de lanternes et de foyers qui s'étendait à perte de vue. Calcutta.

 


CARLOS RUIZ ZAFON
Le Prince de la Brume

Jamais, malgré le passage des ans, Max n'oublia cet été où, presque par hasard, il découvrit la magie et ses maléfices. C'était en 1943, et les vents de la guerre dévastaient impitoyablement le monde. À la mi-juin, le jour même où Max fêtait ses treize ans, son père, horloger et aussi inventeur à ses moments perdus, réunit tous les membres de sa famille dans le salon et leur annonça que ce jour était le dernier qu'ils passaient dans ce qui avait été leur domicile durant les dix dernières années. La famille allait déménager sur la côte, loin de la ville et de la guerre, dans une maison au bord de la plage d'une petite localité sur le rivage de l'Atlantique.


CARLOS RUIZ ZAFON
Le jeu de l'ange

Un écrivain n'oublie jamais le moment où, pour la première fois, il a accepté un peu d'argent ou quelques éloges en échange d'une histoire. Il n'oublie jamais la première fois où il a senti dans ses veines le doux poison de la vanité et cru que si personne ne découvrait son absence de talent, son rêve de littérature pourrait lui procurer un toit sur la tête, un vrai repas chaque soir et ce qu'il désirait le plus au monde: son nom imprimé sur un misérable bout de papier qui, il en est sûr, vivra plus longtemps que lui.

 

EVGUENI ZAMIATINE

EVGUENI ZAMIATINE
L'inondation

Tout autour de l'île Vassilievski, en une vaste mer, s'étendait le monde : là-bas il y avait eu la guerre, puis la révolution. Mais dans la chaufferie, chez Trofim Ivanytch, la chaudière faisait toujours entendre le même grondement, le manomètre indiquait toujours neuf atmosphères. Seul le charbon avait changé : avant il y avait du Cardiff, à présent c'était du Donetsk. Le Donetsk s'effritait, la poussière noire envahissait tout, impossible de s'en défaire. Et l'on eût dit que cette même poussière noire avait imperceptiblement tout recouvert dans la maison aussi. Apparemment rien n'avait changé. Ils continuaient à vivre tous les deux, sans enfants.


EVGUENI ZAMIATINE
La caverne
Le récit le plus important

A travers les millions de verstes des glaces aériennes, tourbillonnant, toujours plus frénétique, l'étoile file et siffle afin de consumer, d'embraser, toujours plus proche. Et là, les trois derniers êtres. Eclairés d'une lumière nouvelle, rouge et ultime, ils boivent avidement sans plus compter, l'air qui reste, s'enivrent, respirent comme, sur cette étoile, les hommes respiraient il y a bien longtemps, des milliers de cycles auparavant ! Oh une fois dans la vie, sans penser, sans compter avec le corps, la bouche et la poitrine !
L'homme et la femme sont étroitement enlacés : en deux, ils ne sont qu'un. Et la plus âgée, la Mère, est au-dessus d'eux, au-dessus de tout. Sur l'incendie rougeoyant du ciel se grave son profil, sourcils et lèvres serrés, fortement, elle est marmoréenne comme la destinée, ses épaules sont légèrement ployées sous quelque fardeau, dressée, elle attend. Et voici que sous les pieds émerge comme un corps vivant, s'ouvrent des crevasses baignées de rouge dans les murs millénaires, tintent les éclaboussures du verre.
Le silence. Dans les déserts, les ombres acérées et crénelées des rocs renversés. Allumés d'étincelles écarlates les blocs glacés de verre et au-dessous d'eux — comme à travers la glace, au fond, les amas sombres des machines, des livres et trois cadavres gelés instantanément, serrés l'un contre l'autre.


EVGUENI ZAMIATINE
Au diable vauvert

Il y a en chaque homme un trait qui, au premier coup d'œil, le distingue de mille autres. Chez Andreï Ivanytch, c'était un front large et vaste comme la steppe. A côté, il y avait un nez - une trompette typiquement russe -, une petite moustache filasse, des épaulettes de l'infanterie. C'est le Bon Dieu qui l'avait créé. Un coup sec : et voilà le front! Puis il avait bâillé, pris d'ennui en quelque sorte, et cahin-caha, par-dessous la jambe, il avait expédié son œuvre : ça irait comme ça.
C'est ainsi qu'Andreï Ivanytch entra dans la vie sur une divine désinvolture.

 


ANDREA ZANZOTTO

ANDREA ZANZOTTO
Venise, peut-être

"[…] on se laisse aujourd’hui trop facilement histaminiser. Ce ferment de l’allergie, cette force opiniâtre qui, malgré les vaccins sous-cutanés répétés depuis des années, me porte préjudice du printemps à l’automne par son refus du vert (et qui après tout m’en laisse mieux jouir quand il pourrit dans la pluie, puisque les poussières et les pollens ne se lèvent pas), me permet parfois, à défaut d’autres structures, de dire « moi » sans moyen terme, sans aucun doute, avec une épaisseur sans égale. Un moi chien, comme en acier, et à la fois d’une substance proche de la poix ; le plus effiloché qui soit, mais le plus résistant et feutré pour amortir tous les frottements. (Prémisses à l’habitation )


ANDREA ZANZOTTO
Phosphènes

Amours impossibles comme
sont effectivement impossibles les collines
Il n'est pas possible que tant d'amour
soit en elles ouvertement
donné
et dans le même temps dissimulé, et d'ailleurs rendu inaccessible

Incessante série d'inaccessibilités
qui joue cependant comme tapis
captivant, évoluant sur la
plus grande brèche démence désuétude
Collines riches de mille dangers de mort
pour en toute quiétude
pour hasardeux secourir parmi des ciélitudes
pour insuffisance d'attention à soi -
de fortune en fortune
« il entravera » « il se défilera »



ANDREA ZANZOTTO
La Beauté

...je me souviens,
je me souviens de tout : c'est quelque chose qu'un jour j'ai su
de manière définitive, si tendue
que dans son seul reflet
je puis nous me moquer de toute autre définition.
Spasmes et fantasmes, croire et ne pas croire;
dieux, mondes et âmes : cibles manquées. Mais il exista
ce matin total, et j'en ruisselle
de plasma d'ambroisie, j'en continue.


ANDREA ZANZOTTO
Idiome

...depuis si longtemps on ne voyait
de telles quiétudes, merveilles ensommeillées
comme le silence reposé
de cette nuit, le grand froid a cessé
et les étoiles nageaient
dans un pré presque tiède,...


ANDREA ZANZOTTO
les pâques

"...Repliement dans des abîmes de régression
hermétique cagette tabernacle
coup d'oeil trompe l'oeil
casupola casipola
qui ondule oscille au plus haut des collines ailées... "

"Car chacun infiniment

nous a nourri nous a sevré

à la lueur de ce nous tous

et du rien"


ANDREA ZANZOTTO
Au-delà de la brûlante chaleur

"Sédimentée dans la mémoire, elle durait autant qu'une réverbération de clarté et d'ombres réglées dans l'intimité par un contrôle qui n'était jamais contrainte ; elle n'avait rien à faire avec l'angoisse, mais seulement avec un doute qui, ténu, ne blessait pas."


ANDREA ZANZOTTO
Météo

"Et tout se réenchevêtre
et se retisse dans ses piètres, dans ses aigres ressources;
des corrosions assistent,
des dissipations insufflent,
trahisons et trash
tremblent en dents crues
Mais l'idée la plus indulgente, la passion
la plus avare et sourde
croît maintenent, croît en horde
pour se donner comme EXTRALUCIDE"


JUKI ZEH
La fille sans qualités

Traduction de l'allemand de Brigitte Hébert et Jean-Claude Colbus

" Il se mit à parler de Robert Musil, de Vienne telle qu’elle était à l’aube du siècle dernier, de l’épanouissement de la modernité. Il parla de la décomposition imminente qu’amènerait la Première Guerre mondiale, à laquelle nul ne croyait, que nul n’avait prévue, et qui pourtant, telle une tempête de sable, avait tout emporté. Il parla de la perte de la foi, de l’effritement des valeurs, de l’anarchie d’un esprit déchaîné et de la quête frénétique de cette chose, qu’à une époque depuis longtemps révolue on avait baptisée “âme”. Il expliqua le talent exceptionnel de Musil, son oreille absolue pour les mots, qui lui permettait de transposer immédiatement le monde en langage, avec autant de justesse et de légèreté que si le résultat n’était pas dû au travail, mais à la seule inspiration. "

ABDALLAH ZRIKA
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DAVID ZUKERMAN
San Perdido

"Bientôt, les touristes enfouissent leur nez dans leur mouchoir et plissent les yeux de dégoût. Devant eux, s’étend la décharge publique qui coupe San Perdido en deux, comme une plaie humide et purulente. On dit que les pauvres l’ont placée là pour ne pas sentir la mauvaise odeur des riches qui vivent au-dessus d’eux. C’est ici que Kwinton passa une partie de sa vie, avec la Ghanéenne qui surveillait la décharge, classant les ordures, veillant à ce que les enfants affamés fouillent chacun leur tour parmi les fruits pourris et les viandes déjà vertes, leur interdisant d’éventrer les sacs de l’hôpital San Liguori à la recherche de médicaments périmés, de flacons d’éther ou de seringues usagées. "